7. Fondations
L'encre du Journal Officiel est à peine sèche que se créent des coopératives de presse. Il y en a cinq :
- la Coopérative des quotidiens de Paris que fondent des journaux proches de la Fédération de la Presse : Combat, Ce Matin, Le Parisien Libéré, Paris-Presse,
- La Coopérative de distribution de la presse (hebdomadaires et périodiques) où l'on retrouve, aux cotés de France Editions et Publications, une société dont on ne sait pas encore qu'elle entretient des liens privilégiés avec Hachette, le Canard Enchaîné, les Nouvelles Littéraires, Science et Vie, les Editions Dargaud…
- la Coopérative de distribution des publications hebdomadaires et périodiques, où se sont réunies les publications proches du Parti communiste : La Terre, les Lettres Françaises… ce qui lui vaudra de mener au début au moins une vie turbulente ;
- la Coopérative de la presse périodique où l'on retrouve, aux cotés de la Revue Automobile, du Reader's Digest et d'Esprit, de nombreuses publications mensuelles ;
- la Coopérative des publications parisiennes qui associe Paris-Soir, Cinémonde et les publications d'André Beyler (Qui Police, Qui Détectives, Rêves…).
Le 16 avril, ces coopératives signent un protocole d'accord avec la Société de Gérance des Messageries, filiale de la Librairie Hachette. La négociation est rapide. On s'était entendu sur les principaux articles avant même que la loi ne soit votée.
La nouvelle société est une SARL, mais elle fonctionne sur le modèle coopératif. Ses tarifs sont fixés "de telle manière que les frais généraux sont répartis entre tous les titres transportés proportionnellement à leur chiffre d'affaire" (Guy Lapeyre, dans un discours prononcé devant le Congrès des dépositaires en avril 1948). Elle ne peut donc plus faire de pertes. Elle ne peut plus, non plus, faire de bénéfices : lorsqu'elle a perçu plus qu'elle n'a dépensé, elle reverse la différence aux éditeurs.
Son capital est souscrit, à concurrence de 51%, par les coopératives de presse, et 49% par la Société de Gérance des Messageries (SGM) qui représente la Librairie Hachette.
Les éditeurs s'engagent à tout faire pour que la Librairie puisse récupérer ses installations et bâtiments de la rue Réaumur que les NMPP utilisent pour leur exploitation. De son coté, la SGM s'engage à obtenir de la Librairie Hachette, avant le 30 octobre 1947, la cession de ses actifs (immeubles et installations) utilisés par les messageries à un prix fixé par les experts.
Hachette met à la disposition des messageries ses installations. Elle choisit le directeur général et perçoit une indemnité forfaitaire et mensuelle (3 millions de francs par mois) indexée sur le prix du journal.
Ce protocole prévoit, enfin, la création d'un Conseil de Gérance pour contrôler le Directeur Général et prendre les grandes décisions. Les éditeurs y ont cinq sièges, la Librairie trois. On y retrouve les Présidents des coopératives : G. Oudard, Aristide Blank, (qui préside deux coopératives), Massot, Moreau.
Les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne sont nées. Tout se passe alors très vite. Hachette met à la tête de la nouvelle société Guy Lapeyre, l'homme qui se bat depuis plusieurs mois en première ligne. De leur coté, les éditeurs nomment, à la tête du Conseil de Gérance des NMPP, Henri Massot qu'ils viennent, par ailleurs, d'élire Président du Conseil Supérieur des Messageries. Le 28 avril, les MFP décident de se dissoudre. Elles abandonnent les locaux le 1er mai. Le même jour, les NMPP en prennent possession.
Les cadres qui avaient émigré rue Christine retrouvent leurs bureaux de la rue Réaumur. Leurs prédécesseurs partent les uns après les autres.
Le service du personnel qui s'était installé à la libération dans le 15ème arrondissement revient, sous les quolibets. Pendant plusieurs mois, il se heurtera à l'hostilité de tous ceux qui ont cru aux MFP. "On nous reprochait, raconte Pierrette Vervel, qui était alors jeune employée de ce service, d'être à la solde du patron." Beaucoup de dossiers ont disparu qu'il faut reconstituer. Ce qui ne va pas toujours sans problèmes. Surtout lorsqu'il faut licencier. Et c'est nécessaire. Les effectifs sont pléthoriques : 1700 personnes à l'Expéditive, 5000 aux MFP alors que 3500 personnes suffiraient. On organise charrettes sur charrettes sans que les syndicats si puissants hier protestent. On remet en route la machine.
La comptabilité qui a tant fait pour couler les MFP est reprise d'une main de fer. Les comptes redeviennent rigoureux. Le nouveau système interdit les déficits, encore faut-il posséder des renseignements précis sur les prix de revient.
Les débuts sont difficiles. Le protocole d'accord avait prévu le paiement d'indemnités au personnel licencié. Cela coûte cher. Dès le mois de juillet, la direction des messageries demande aux éditeurs une augmentation de la remise. On parle d'un nouveau déficit. La somme que l'on avance, 80 millions de francs, est considérable. Les éditeurs refusent cependant d'accorder cette hausse pendant l'été, période toujours difficile pour une presse fragile. Ils veulent la faire coïncider avec l'augmentation des prix des journaux à l'automne. La décision sera prise en octobre. Les mesures sont drastiques :
- le taux moyen de remise pour les livraisons en France est porté de 41 à 43%,
- les invendus, au delà de 22,5% du tonnage, sont facturés 25 francs le kilo,
- les frais de poste sont portés de 10 à 15 centimes.
Aux éditeurs qui protestent, le premier Président de la Coopérative des Publications, Claude Valéry, répond : "mieux vaut payer 2% de plus tous les mois dès à présent, que de se trouver brutalement dans quelques mois dans une situation insoluble."
La potion est sévère, mais efficace. Il faut quatre mois, pas un de plus, pour mettre en route un système d'information efficace. L'équilibre est retrouvé dés la première année. Le versement d'un trop perçu, l'année suivante, ramène à 42,5% le taux de remise.
Malgré ces premiers résultats, la bataille continue.
La loi Bichet est critiquée. Un avocat proche du PC, M. Dalsace, souligne ses faiblesses dans l'organe de la Fédération de la Presse. Plusieurs syndicats proposent, dans un nouveau pamphlet (la liberté de la presse est incompatible avec le retour de Hachette), de revenir au plan Parodi. L'un des éditeurs les plus influents, Emilien Amaury, demande que les installations Hachette soient remises à la presse. Mais ce sont des combats de façade. Pour tous les acteurs directement impliqués dans la distribution de la presse, pour les administrateurs des journaux comme pour les dirigeants des messageries, l'essentiel est ailleurs. Il s'agit d'inventer une nouvelle entreprise, d'écrire la grammaire de ses pouvoirs.
Cette aventure se fera au grand jour à l'occasion de batailles qui mettront aux prises des adversaires décidés : d'un coté, Hachette et ses dirigeants qui veulent retrouver leurs positions d'avant-guerre ; de l'autre, les éditeurs qui veulent profiter des possibilités que leur donne la loi pour maîtriser leur diffusion. Mais aussi, dans le silence des bureaux, dans le calme des réunions entre administrateurs de presse, des professionnels qui savent apprécier à sa juste valeur le travail que l'on effectue rue Réaumur.
1 commentaire:
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