10. Les éditeurs s'approprient la loi
Le retour d'Hachette dans la presse suscitera encore bien des protestations et pétitions, mais le cœur n'y est plus tout à fait. En quelques mois, la situation a considérablement changé.
On est entré dans l'ère de la guerre froide. Les congrès de la Fédération de la presse sont encore l'occasion de grandes envolées, mais les modérés qui avaient joué un si grand rôle dans la création des messageries ont évolué.
Le MRP a évolué. Ses dirigeants ont le sentiment qu'assez a été fait pour défendre une liberté de la presse qu'aucun trust ne menace plus. La bataille s'est déplacée sur un autre terrain :
On sent tellement, écrit un observateur, à propos de très virulentes attaques anti-Hachette lors d'un Congrès de la Fédération Nationale de la Presse Française, que ce débat n'est que la façade d'une lutte politique intense et souterraine entre le parti communiste et la maison Hachette (dont les journaux sont plutôt pro-américains), qu'il en résulte comme un lourd malaise dans la salle. (Echo de la Presse et de la Publicité, 30/9/51)
Ce terrain n'est pas celui des administrateurs de journaux qui participent aux travaux des coopératives.
Tout se passe comme si le monde de la presse s'était divisé en deux : d'un coté les hommes qui manipulent les idées, qui interviennent dans les congrès syndicaux, signent les motions et condamnent allègrement Hachette, de l'autre, les administrateurs, hommes de chiffres. Nul ne l'a mieux senti qu'Henri Massot. Dans la longue lettre, qu'il adresse, en 1949, à Albert Bayet, le Président de la Fédération de la Presse, pour expliquer son refus d'associer le syndicat aux travaux des coopératives, il écrit : "Pour défendre, les intérêts matériels et moraux de la presse, il nous faut bien parfois nous dégager dans les faits des positions fédérales ou syndicales dont vous dites qu'elles sont doctrinaires."
Ces administrateurs sont personnages discrets. Ils préfèrent l'ombre des coulisses à la lumière des estrades. On ne trouve pas leur nom dans l'index de l'Histoire Générale de la Presse Française qui en compte pourtant plusieurs centaines. Mais ils tiennent les cordons de la bourse. Et lorsqu'il faut prendre une décision qui engage un journal, leur voix est prépondérante. Ils ont découvert les vertus du nouveau système : non seulement, il distribue correctement leurs journaux, mais il leur donne un pouvoir qu'ils n'avaient jamais eu.
Ils ne veulent pas le perdre.
Lorsque, pour contrer le retour d'Hachette dans la presse, la Fédération Française de la presse, entraînée par Emilien Amaury et Albert Bayet, son Président, parle de modifier la loi Bichet et de retirer à la Librairie les 49% qu'elle possède dans les NMPP, ils réagissent. Pas question, disent-ils, de toucher à un système qui fait ses preuves. Ils le font savoir, torpillant ainsi un projet plus politique qu'économique.
La Coopérative (…) :
- constate que la gestion des NMPP depuis deux ans, dans le cadre de la loi Bichet, a apporté aux coopératives la sécurité financière, condition essentielle de la distribution ;
- continue à faire confiance aux délégués des coopératives majoritaires au Conseil de Gérance des NMPP pour assurer le contrôle de la gestion, la surveillance de son impartialité et, plus particulièrement, la surveillance et le contrôle des conditions dans lesquelles le directeur général des NMPP exerce la délégation des pouvoirs qui lui ont été donnés. (Ordre du jour voté à l'unanimité le 14/4/49)
On ne peut être plus clair.
Henri Massot : l'homme des fondations
Un homme a joué un rôle décisif dans cet apprentissage du système : Henri Massot. C'est un marseillais qui a fait toute sa carrière dans la presse de sa ville natale : d'abord au Radical de Marseille, puis au Petit-Marseillais et à Marseille Matin, avant de devenir directeur de Paris-Presse qu'il fonde avec Philippe Barrès (le fils de Maurice Barrés, qui fut avant-guerre rédacteur en chef du Matin et de Paris-Soir).
Il est jeune (44 ans en 1947) mais a déjà une longue expérience de l'administration de la presse : il a été, avant-guerre, secrétaire général de Marseille Matin.
Il a du caractère, de la prestance et un beau talent d'orateur. Il aime convaincre, est habile dans les négociations et sait, lorsque nécessaire, faire preuve de fermeté. Il n'est pas de ceux que l'on confine dans les inaugurations de chrysanthèmes. Il restera de longues années à ce poste. Il joue, en ces années de formation, un rôle décisif dans le jeu subtil qui s'établit entre Hachette et ses nouveaux partenaires.
Il saura, lorsque nécessaire, intervenir auprès des dirigeants de la Librairie pour faire écarter Guy Lapeyre. Pour l'heure, il s'agit d'explorer les nouveaux pouvoirs des éditeurs. Car il y en a plusieurs, de nature différente.
Il y a, d'abord, ce que la loi a prévu. Elle a défini des règles du jeu. Henri Massot va s'appliquer à les mettre en œuvre.
Il fait rédiger un plan comptable type qu'il impose aux messageries, aux NMPP comme aux autres sociétés qui se sont créées à la suite de la loi Bichet : Messageries Lyonnaises de presse, Société coopérative des messageries d'art et d'élégance, Société auxiliaire transports presse.
Il envoie dans ces entreprises des experts pour "examiner tous les aspects de la gestion : l'organisation de chaque service, la décomposition des frais généraux et jusqu'aux conditions de tout travail concédé à des sous-traitants."
La loi a prévu un emprunt pour soulager les trésoreries des journaux malmenées par les MFP et financer le redémarrage des messageries. Il organise sa distribution et s'assure de son remboursement. Son montant est calculé au prorata des chiffres d'affaires des titres qui en font la demande. Ils sont 110 dans ce cas. Les messageries toucheront 45 millions de francs et les éditeurs 170 millions qu'ils rembourseront en deux ans.
La naissance d'un groupe de pression
Il y a, ensuite, le pouvoir que donne aux éditeurs la structure coopérative. Ils ne sont plus isolés. Ils font bloc, parlent d'une seule voix et peuvent intervenir avec efficacité auprès des pouvoirs publics.
Le Conseil Supérieur des Messageries est le lieu de ces interventions qui toucheront aussi bien les tarifs des transports que la fiscalité de la presse ou la réglementation des conducteurs de camions. Toutes les grandes administrations, PTT, SNCF… qui entretiennent des relations avec les messageries y sont représentées. Leurs représentants se font les avocats des éditeurs de presse auprès de ceux qui prennent des décisions. Lorsque cela ne suffit pas, le Président du Conseil Supérieur des Messageries, fort du soutien de toute la profession, peut intervenir auprès des pouvoirs publics. C'est ce qu'il va faire pour les tarifs de la SNCF.
Les relations avec la société nationale sont difficiles. En 1947, elle refuse de transporter les invendus des MFP. A quoi bon, disent en substance ses responsables, creuser un peu plus le trou. L'année suivante, elle refuse de modifier ses horaires et de retarder certains trains pour la presse. Cette même année, elle augmente ses tarifs de 73,4% et, s'appuyant sur une décision prise en 1941, refuse d'appliquer le tarif GV32 qui réduisait, avant guerre, les coûts de transport de la presse.
Le transport d'un quotidien de quatre pages vendu 6 francs revient à 0,40F. C'est bien plus que ne veulent payer les journaux.
Henri Massot multiplie les interventions auprès des pouvoirs publics. Il court les ministères, montre à ses interlocuteurs des calculs, leur donne des chiffres. "Depuis 1939, leur dit-il, le tarif général a été multiplié par 4,5, celui appliqué à la presse par 24". Il souligne que c'est toute l'économie du système des messageries, toute la santé de la presse et, donc, la liberté d'opinion qui sont en jeu.
"Si vous ne nous accordez pas cette réduction, poursuit-il, nous serons obligé d'augmenter de nouveau nos prix." L'argument porte : en quelques mois, les quotidiens sont passés de 5 à 7 francs. Le gouvernement qui se bat avec maladresse contre l'inflation finit pas céder. Le ministre des Transports demande à la SNCF de diminuer de 50% son tarif pour la presse et ses invendus. La mesure est prise à titre provisoire… jusqu'au 31 décembre.
Elle sera reconduite les années suivantes, mais toujours après intervention du Conseil Supérieur qui se découvre là une mission que n'avait peut-être pas prévue la loi. Il devait contrôler les coopératives et faciliter l'application de la loi. Il est devenu un des instruments qu'utilise la presse lorsqu'elle se comporte en groupe de pression.
Le barème ou la garantie de l'impartialité
Il y a, encore, il y a, surtout, le pouvoir que les éditeurs tirent de leur présence au conseil de gérance. C'est ce conseil qui définit la rémunération de Hachette, qui décide, en septembre 1951, sur un rapport de Paul Colin, un collaborateur d'Emilien Amaury, et Pierre Blanchonnet, l'éditeur d'Ici-Paris, de modifier le mode de calcul de la redevance d'Hachette et de la fixer à 1% du chiffre d'affaires des NMPP (moins les invendus).
C'est lui, encore, qui définit les politiques commerciale et tarifaire.
La structure de coopérative oblige à traiter de manière égale tous les éditeurs. La Direction des messageries n'a plus, comme avant-guerre, la liberté de consentir des remises à qui elle veut, comme elle veut. Il faut mettre au point un barème, définir un tarif, une règle applicable à tous, et s'y tenir. Les éditeurs sont directement associés à sa définition.
On est en pleine période de réflexion sur les politiques tarifaires. Chez EDF, de jeunes ingénieurs commencent à appliquer les méthodes de tarification rationnelle élaborées pendant la guerre par Maurice Allais, un économiste devenu depuis prix Nobel. Ils ont, eux aussi, le souci de neutralité et tiennent des propos dont le ton rappelle la loi de 1947 : "Il n'est pas concevable que le responsable des tarifs à EDF puisse se permettre de bâtir à sa guise un outil non neutre qui favorise ou défavorise telle ou telle activité économique. Ce serait un pouvoir scandaleux que d'avoir le droit d'influencer notablement la vie économique du pays de façon arbitraire" (Marcel Boiteux, in Revue Française de Gestion, n°70)
Aux NMPP on hésite entre l'application d'une marge commerciale, comme avant-guerre, et le calcul des coûts à partir des prix de revient, qui se justifie dans une entreprise mandataire des produits qu'elle commercialise.
Les commerçants ont l'habitude de facturer leurs services en appliquant un coefficient de marge sur le prix du produit qu'ils vendent. C'est ainsi que travaillent les dépositaires et les distributeurs. Les messageries s'alignent sur leur exemple. Elles appliquent un taux de remise sur le prix de vente du numéro. S'il est insuffisant pour couvrir les frais des NMPP, il suffit de l'augmenter. C'est ce que fait, dans ses premiers mois d'existence le conseil de gérance : la remise passe de 39,5%, en avril, à 41 puis 43% en octobre.
Mais, cette méthode ne fait pas que des heureux. Le directeur d'Arts, un magazine qui publie beaucoup d'illustrations et coûte donc très cher proteste. Celui de Coq Hardi demande que l'on étudie des tarifs qui tiennent compte du poids… mais c'est l'administrateur d'Action, Maurice Cuvillon, qui développe avec le plus d'insistance ses critiques. Il le fait dans un article que publie l'Echo de la Presse et de la Publicité.
Prenez, dit-il, deux journaux de même vente, de même pagination et de même poids, mais de prix différent. Est-il logique que l'un paie plus que l'autre alors que le travail demandé aux comptables et ouvriers des expéditions est le même? Est-il normal que Arts, hebdomadaire de 63 grammes, vendu 18 F, paie 7,74F de remise par exemplaire aux NMPP alors que Gavroche, hebdomadaire de même poids vendu 10F, ne verse que 4,30F?
Ce qui est vrai de la mise en vente, l'est plus encore des invendus. Les négliger a coûté trop cher aux MFP. La décision a tout de suite été prise de les facturer. Mais comment? selon quelle formule? C'est une question difficile qui exige du doigté et l'intelligence des chiffres.
La première solution retenue par le conseil de gérance reposait sur la facturation au poids des invendus au delà de 22,5% de bouillonnage. Mais, comme le fait encore remarquer Maurice Cuvillon, ce système n'est pas logique :
L'hebdomadaire dont le tirage est de 400 000 exemplaires qui bouillonne à 20% ne paiera rien pour ses frais de retour d'invendus, bien que ces derniers se montent à 80 000 exemplaires ; alors qu'une publication tirant à 100 000 exemplaires et bouillonnant à 30% aura 30 000 retours et devra payer pour 7500. (EPP, 1/11/1947)
Ce qui, en 1947, lorsque Maurice Cuvillon écrit son article, reste sans conséquences devient injustice criante en 1949, lorsque Jean Prouvost lance Paris-Match. Le nouvel hebdomadaire illustre tous les inconvénients d'une facturation en pourcentage du prix de vente : il est vendu bon marché, à une pagination importante (44 pages) et des bouillons considérables (Prouvost perd plus de 200 millions de francs dans les 8 premiers mois d'exploitation).
Bien loin d'être théorique, cette discussion sur le barème touche au cœur du système des messageries et au principe d'impartialité que le législateur a mis en avant. Pour maintenir un traitement équitable entre tous les titres, on décide d'introduire des correctifs au principe de la facturation ad valorem : poids de l'exemplaire, tirage, pagination… Le mécanisme est souple : il permet de résoudre les problèmes à mesure qu'ils apparaissent.
Un outil de pilotage de la presse
Le barème qui se crée ainsi, au fil des années, est complexe, mais stratégique. Il faudra attendre le début des années 60 pour voir les éditeurs déléguer au Conseil de Gérance le suivi des évolutions de l'un des paramètres majeurs de ce système : le rapport poids/prix. Ce n'est qu'au début des années 70 que l'on verra se développer les formules d'indexation qui rendent automatiques les modifications de tarifs.
Les éditeurs tiennent à ce contrôle des barèmes comme à la prunelle de leurs yeux : non seulement, il leur assure l'impartialité, mais il leur donne aussi un instrument de pilotage collectif comme en ont peu d'industries.
Le contrôle des tarifs permet une régulation de la concurrence par les prix. En 1949, André Beyler, l'éditeur de Radar, un magazine populaire bon marché doit se défendre de l'accusation de dumping. Il se dit prêt à donner à ses confrères ses éléments de prix de revient et à prouver que son magazine reste rentable, malgré son faible prix de vente.
"Cela, lui répond-on en substance, ne nous intéresse pas. Ce n'est pas le prix de revient d'une publication que nous devons prendre en compte dans nos calculs, mais les coûts des messageries." Une publication qui refuse d'augmenter son prix alors que les salaires et les transports augmentent, pénalise les messageries. L'impartialité exige que l'on intervienne, que l'on corrige. Tout le système mis en place, dans ces années là repose sur une série de corrections, bonifications, pénalisations… appliquées à une remise dont le montant est calculé sur le prix du journal.
"Les titres qui n'ont pas augmenté ou qui, dans l'avenir, n'augmenteraient pas leur contribution par exemplaire dans une proportion identique à celle de l'augmentation des charges supportées par les NMPP ne bénéficieront pas des bonifications vente…" dit une résolution votée par les différentes coopératives. La contribution d'un titre aux messageries doit être identique à la moyenne de celle des titres d'une même catégorie, explique un autre texte voté par les éditeurs. Ce système incite les journaux à aligner leurs prix. On peut se faire concurrence, mais pas en étant meilleur marché que son voisin!
Le réglage fin des correctifs, bonifications, "malefications" (le mot est employé) permet d'aider les titres fragiles dont la survie parait nécessaire au maintien des aides publiques (on accordera ainsi des bonifications aux titres politiques à faible tirage), de contrôler l'introduction de nouveaux produits (comme les reliures que certains éditeurs vendent ou offrent en promotion).
Dans les cas les plus graves, la présence au Conseil de Gérance permet d'agir sur les développements qui inquiètent toute la profession. C'est ainsi, qu'en 1962, le conseil de gérance interdit aux NMPP de distribuer des journaux gratuits qui ne pouvaient entrer dans le cadre du barème. Cette décision n'a pas empêché le développement de ces publications (qui ont drainé, en 1988, 16% de l'ensemble des recettes publicitaires de la presse, soit 4% de plus que la presse quotidienne nationale), mais a certainement modéré leur croissance (les recettes de la presse gratuite étaient, en 1988, de 3,7 milliards de francs en France, contre 6 milliards en Grande-Bretagne et 8 milliards en RFA).
L'intervention en cas de conflit
Ce système donne encore aux éditeurs le pouvoir d'infléchir les décisions de la direction lorsque la distribution de la presse est menacée. C'est dans le domaine social que ce nouveau pouvoir trouvera à s'appliquer : la politique sociale relève de la direction des messageries, mais la grève menace directement la distribution des journaux.
Dés les premiers mois, la dimension sociale est prise en compte. Guy Lapeyre consacre plus du tiers du premier discours qu'il prononce devant un congrès de dépositaire à cette question. On devine à le lire qu'il a compris le pouvoir que pouvaient prendre les ouvriers des centres de départ. Une grève de quelques heures suffit à perturber la distribution des journaux. Répétée plusieurs jours de suite, elle peut mettre en difficulté les titres les plus fragiles.
Dans une entreprise qui emploie un nombre aussi important de personnel et dont l'objet réside dans des prestations de service qui se traduisent essentiellement par des opérations de main-d’œuvre, les problèmes techniques et financiers qu'on considère généralement comme étant au premier plan, ne peuvent se résoudre que dans un climat social satisfaisant.
Il est nécessaire que les questions qui préoccupent à bon droit les travailleurs soient étudiées et réglées avec rapidité et justice… (cité dans l'EPP, 1/5/48)
Ce sont les collaborateurs des messageries qui négocient, c'est le jeune Jean Hamon futur Secrétaire Général des NMPP, qui discute avec les délégués syndicaux, mais, lorsqu'il y a conflit, le dernier mot revient au Conseil de Gérance.
Le traitement des quotidiens est alors l'essentiel de l'activité de l'entreprise. C'est donc, tout naturellement, à la convention du Livre qui réunit tous les ouvriers de la presse, les typographes, les rotativistes… que sont rattachés les personnels des messageries.
Cette décision, passée inaperçue, fruit, pour une part de l'héritage de 1936 (il y a des membres du Livre dans les délégations qui signent les accords de 36 aux messageries) a eu des conséquences considérables. Elle a établi un lien direct, immédiat entre les rémunérations dans les imprimeries de presse et celles aux NMPP. Comment les membres du Conseil de gérance auraient-ils pu refuser aux ouvriers des messageries les augmentations qu'ils accordaient dans leurs entreprises? La question s'est posée dés mars 1949.
Ce mois là, les éditeurs ont donné aux ouvriers imprimeurs une augmentation de 12%. S'appuyant sur des recommandations du gouvernement Queuille qui essaie (sans grand succès) de lutter contre l'inflation galopante, la direction des messageries refuse d'accorder cette augmentation à ses ouvriers qui menacent aussitôt de se mettre en grève. Les membres du Conseil de Gérance qui ne veulent pas voir interrompue la distribution de la presse obtiennent de la direction qu'elle cède. Ce qu'elle fait sans trop se battre : elle sait que le coût de l'augmentation sera répercuté sur le coût des services que paient les éditeurs.
Dès 1949, alors que les ouvriers des centres de départ sont encore sous le coup de la faillite des MFP, on voit à l'œuvre deux des mécanismes qui joueront tout au long de l'histoire des relations sociales aux NMPP :
- l'alignement des personnels des messageries sur celui des imprimeries de la presse quotidienne : lorsque les éditeurs décident d'une augmentation de salaire (ici : une "prime exceptionnelle pour la circonstance"), cette augmentation est automatiquement accordée aux personnels des messageries qui appartiennent eux aussi à la convention du Livre ;
- l'alliance objective des éditeurs et des syndicats : lorsque les syndicats engagent un mouvement de grève qui menace d'être dur les éditeurs interviennent auprès de la direction et lui demandent de trouver un compromis. Pour que le conflit prenne une tournure brutale, il faudrait que la direction générale et les éditeurs se décident à résister ensemble à la pression syndicale. Cela ne s'est pas produit pendant quarante ans.
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