19. Des invendus aux systèmes d'information

Résoudre les difficultés liées à l'augmentation des volumes relevait d'un art que l'on maîtrisait bien aux NMPP. Le problème était classique. La solution, affaire de moyens.

Pour les invendus, les choses étaient infiniment plus complexes : on les connaissait mal, on n'avait pas de modèle auquel se référer. Il fallait innover.

Mesurer, comprendre…

Dans les prévisions qu'elles faisaient en 1953, les NMPP prenaient comme base de calcul un taux de 15% d'invendus. Ce taux doit être réévalué tout au long des années 50. La situation ne devient vraiment inquiétante qu'à la fin de la décennie. La presse connait alors une de ces crises cycliques comme elle en connaîtra d'autres plus tard : en 1958, après plusieurs années de croissance, les ventes diminuent. On atteint le taux encore jamais vu de 27% d'invendus.

Raoul Bouchetal écrit aux dépositaires pour attirer leur attention sur cette croissance des bouillons. Mais cette lettre ne change rien. Les invendus continuent de progresser : 27% en 1958, 28% en 1959, 29% en 1960. Rue Réaumur, on commence à s'inquiéter. D'autant que l'on assiste, en ce début des années 60, à un tassement de l'activité tandis que les charges augmentent. Le taux de remise qui était descendu en dessous de 37% en 1954, doit être redressé. Cela représente pour les journaux une augmentation des frais de vente de 4%. Elle n'est pas facilement acceptée.

Chacun a son avis sur la question : les éditeurs critiquent les dépositaires, ceux-ci demandent, parfois vigoureusement, aux administrations de journaux de mieux régler leurs envois. Chacun renvoie sur le voisin la responsabilité de ces invendus qui augmentent le travail des uns et les coûts des autres.

Les causes du phénomène sont nombreuses, complexes. On devine qu'elles sont liées à la multiplication des titres de faible tirage, à la croissance des publications, à l'introduction d'un nombre croissant de nouveautés… On cherche, d'abord, à en savoir plus.

On se tourne vers les chiffres. Le Conseil Supérieur des Messageries demande à son expert-comptable un rapport. Il construit ce tableau :

bouillonnage ; Hebdomadaires* ; Autres publications*
––––––––––––––––––––––––
inférieur à 20% ; 13 ; 8
de 20 à 25% ; 6 ; 13
de 25 à 30% ; 5 ; 16
de 30 à 35% ; 14 ; 23
de 35 à 40% ; 11 ; 21
de 40 à 45% ; 5 ; 23
de 45 à 50% ; 11 ; 23
de 50 à 55% ; 6 ; 20
de 55 à 60% ; 11 ; 28
de 60 à 65% ; 7 ; 17
de 65 à 70% ; 16 ; 17
+ de 70% ; 46 ; 44
–– ––
Total ; 151 ; 253
* nombre de titres

Au fil de ces analyses, on découvre que 16 des 46 hebdomadaires qui bouillonnent à plus de 70% sont des journaux de course spécialisés dans le tiercé. Ces titres, qui ne coûtent rien à fabriquer, sont vendus cher. Ils restent donc rentables malgré un taux élevé d'invendus.

Un examen plus attentif des pratiques commerciales montre que beaucoup d'éditeurs utilisent des méthodes génératrices d'invendus :
- les spécialistes de la presse hippique pratiquent des prix élevés : ils ont peu de lecteurs et beaucoup d'invendus, mais leurs journaux ne coûtent pas cher à fabriquer.
- les professionnels de la presse enfantine multiplient les revues que les enfants achètent sur un "coup de cœur". Là aussi, il faut être partout. Dans les grandes villes comme dans les petits villages. "Nos clients, rétorque Georges Dargaud à qui lui suggère de modifier sa politique commerciale, ont beaucoup de vacances, ils se déplacent beaucoup."
- les éditeurs de fascicules pratiquent la politique de la rotation. Ils ont découpé la France en plusieurs zones. Ils mettent en vente leurs produits dans une première zone. Ils récupèrent les invendus, qu'ils mettent en vente dans une seconde zone, puis dans une troisième…

Des bouillons de plus de 50% ne gênent pas ces éditeurs.

On examine de plus près les pratiques des dépositaires. A Paris, Michel Le Tellier envoie un inspecteur, Claude Bailly, voir comment ils travaillent. Le 15 octobre 1961, il envoie à tous l'état de leurs invendus pour attirer leur attention sur ce problème. Ses services créent des bordereaux adressés aux sous-dépositaires, mettent en place un système de renvoi des invendus à des dates fixes. Rien de tout cela ne suffit.

Une enquête réalisée en septembre 1962 par le Syndicat des dépositaires montre que 14% seulement des sous-dépositaires règlent leurs services. "Derrière la parade des sous-dépôts modernisés ou la mascarade de ceux qui ne le sont pas, écrit André de Raunies dans le journal syndical, se cachent, non en totalité, mais en forte proportion, une carence des vendeurs de presse. Ils ne connaissent pas leur métier." Venant d'un spécialiste qui rédige, depuis des années les articles du journal syndical, le jugement est sévère. Il corrobore ce que pensent les éditeurs qui ont diminué leurs envois pour réduire leurs invendus. Lorsqu'on leur envoie moins de journaux, les dépositaires ne gèrent pas mieux leur stock (qui comprend les journaux mis en vente et le talon qu'ils conservent pour le réassortiment), ils diminuent le nombre d'exemplaires mis en vente.

D'autres, se demandent s'il est possible de régler des publications dont les tirages sont inférieurs 100 000 exemplaires.

Les éditeurs ne veulent pas être pénalisés

Mais on ne peut se contenter de réfléchir indéfiniment. Il faut agir. D'autant que les invendus continuent de progresser. Ils dépassent en 1964, les 30%. Guy Lapeyre demande à ses cadres de trouver une solution.

Les invendus sont le revers d'un système basé sur le principe de l'office. Ce sont les éditeurs qui décident des volumes à distribuer, et non le commerçant qui écoule les produits. Il faut donc agir sur l'offre et inciter les administrations à mieux calculer leurs envois. On dispose, pour cela, d'un excellent outil : le barème. Il suffit de faire payer plus cher ceux dont les mauvais réglages ou les méthodes commerciales alourdissent les coûts. C'est ce qu’on appellera, d'un mot mal choisi, la "pénalisation pour invendus".

Le mécanisme qu'il retient est simple : il détermine pour chaque famille de titres des seuils moyens d'invendus et pénalise ceux qui les dépassent. Une grille est proposée aux coopératives en 1966.

nbre d'ex/année - moyenne des invendus - % max toléré :
>25 millions - 17,80% - 19%
de 25 à 10 millions - 28,04% - 30%
de 10 à 5 millions - 36,9% - 40%
de 5 à 3 millions - 48% - 50%
de 3 à 1 million - 58% - 60%
<1 million - 65,50% - 70%

Les publications qui dépassent ces seuils doivent acquitter un supplément de 0,25F par kg d'invendus pour le tonnage excédentaire.

L'idée est séduisante et plutôt bien accueillie, mais des décisions de ce type ne peuvent se prendre sans l'accord de tous les gérants.

Les éditeurs visés, spécialistes de la presse enfantine ou hippique, réagissent vivement : "En conseil de gérance, je me suis fait descendre en flamme, raconte aujourd'hui Maurice Audouin. Certains m'ont dit : vous voulez nous tuer". C'est l'échec.

La régulation des invendus par la facturation paraissant impossible, il fallait trouver autre chose. Deux nouvelles pistes sont alors explorées :

- la première cherche à diminuer les coûts de traitement. A volume égal, essayons de réduire les dépenses. Les invendus sont rapatriés à Paris. Mais est-ce nécessaire? Faut-il envoyer tout le magazine ou seulement sa couverture? Ne pourrait-on pas envisager de les détruire sur place? Ces réflexions donneront naissance, au début des années 70 aux des Centres Régionaux d'Invendus.

- la seconde s'attache à donner aux éditeurs des informations pour mieux régler leur diffusion. Faute de faire payer ceux qui produisent trop d'invendus, offrons à ceux qui le souhaitent le moyen de mieux régler leur diffusion.

Pour cela, il faut inverser les flux informationnels. Jusqu'alors, l'essentiel des informations descendaient des messageries vers les points de vente. Pour régler leurs invendus, les éditeurs ont besoin d'informations personnalisées qui remontent rapidement du terrain : ils veulent des chiffres sur les ventes de leur titre la veille, l'avant-veille…

On pouvait, pour construire un barème, se contenter de grandes masses et de données vieilles de plusieurs semaines. Il faut, pour régler, des informations infiniment plus précises, plus fines, plus fraîches. Des informations comme savent aujourd'hui en traiter les ordinateurs et les systèmes en temps réel.

Mais on est au début des années 60! Les NMPP sortent tout juste de la mécanographie…

Une informatique de production

Les premières études sur l'introduction de l'ordinateur n'ont que quelques mois. Elles ont commencé en 1959. Leur auteur : une équipe informelle où l'on retrouve Maurice Audouin, Robert Brichet, le patron de la mécanographie, Paul Musset, un ingénieur des mines que Guy Lapeyre a embauché, quelques années plus tôt sans lui donner d'affectation précise, comme il faisait souvent avec les fils de famille.

Ces études durent 18 mois. Elles concluent à l'intérêt d'introduire un ordinateur aux NMPP pour résoudre ce qui est devenu le problème majeur du service mécanographique : le resouchage. L'opération consiste à mettre à jour l'ensemble des fichiers du système mécanographique.

Toute la distribution de la presse est organisée autour d'un système de casiers dans lesquels les compteurs rangent les titres. Chaque dépositaire a sa case. Une souche est la réunion de plusieurs cases. Le système mécanographique donne le nombre d'exemplaires de chaque titre à ranger dans les cases.

Les souches sont organisées en fonction des transports. Il y a la souche d'Orléans, celle de Nancy… Il arrive que ces lignes de transport changent, des dépositaires déménagent, d'autres disparaissent… Il faut, donc, une fois par an, procéder à un grand nettoyage des fichiers. Une opération que l'on redoute. "Un véritable sans filet, raconte Paul Girardy qui en a mené plusieurs au service IBM. Le matériel était soumis à un effort considérable et, si l'on commençait le vendredi soir, il fallait que tout soit remis en ordre le lundi matin." Robert Brichet, Paul Musset, Marcel Lasseron, tous ceux qui pratiquent ces ressouchages craignent la catastrophe. Ils savent qu'il suffirait d'un incident minime pour que tout le système s'effondre, pour que la mécanographie se trouve dans l'incapacité de préparer les expéditions un lendemain de resouchage raté.

Guy Lapeyre demande à être convaincu

Restait à convaincre Guy Lapeyre. Ce n'est pas une affaire de tout repos :

Un des éléments qui a emporté la décision a été une réponse qui préoccupait Guy Lapeyre : "avec les cartes perforées, nous disait-il, on trie des fiches. Je ne comprends pas comment on fait des tris sur une bande magnétique. On ne les découpe pas tous les soirs pour recoller les petits bouts." Il y avait peut-être un peu de cinéma dans cette question, mais je pense que cela le préoccupait. Il ne voulait pas s'engager dans l'opération sans avoir la preuve que l'on pouvait trier. Nous sommes allés au groupe Drouot. Là, le Président Tattevin, qui était le premier à avoir commandé un ordinateur commercial en France, un IBM 705, une machine à lampes, nous a reçu, avec deux, trois personnes d'IBM.

Jacques Herbart, le directeur d'IBM, avait envoyé son directeur commercial. Un ingénieur a fait une brillante démonstration au tableau sur la façon dont triait un ordinateur. "Donnez une série de nombres de 3 chiffres de façon aléatoire. On lui a donné 30 chiffres dans le désordre." Il nous a montré comment l'ordinateur effectuait le tri de ces chiffres. Puis, on a chargé des informations sur une bande, fait des tris. (témoignage Maurice Audouin)

Plus, peut-être que cette démonstration, c'est un changement de souchage réussi qui a définitivement emporté le morceau :
Dès que l'on a vu ce que l'informatique pouvait nous apporter, nous avons voulu l'utiliser. Nous avons effectué avec elle l'ouverture du Charolais. Il s'agissait de faire, en une seule fois, une opération massive sur quelques 2000 clients. Nous n'avions pas encore de machine, nous avons donc passé un accord avec IBM et la Régie Renault. Chez IBM, nous avons fait les chargements des cartes perforées sur bandes magnétiques et chez Renault les opérations de tri. (témoignage Maurice Audouin)

Une fois Guy Lapeyre convaincu, il a fallu signer le contrat. Ce qui ne fut pas tout simple. IBM ne faisait pas de conditions particulières. Le dossier était économiquement tangent :
Guy Lapeyre nous a envoyé, Jean Bardon et moi-même, voir Jacques Herbart. Il n'y avait à l'époque que trois/quatre machines installées, chez Renault, Drouot… Nous étions un compte témoin. IBM nous a accordé des conditions particulières sur la maintenance, les temps d'utilisation… Ce qui était exceptionnel. Quand on louait une machine, il fallait faire un versement initial dont une partie était perdue. On a trouvé un habillage pour que ce versement ne soit pas perdu. (témoignage Maurice Audouin)

La décision fut prise dans les premiers jours de 61 et les premiers ordinateurs installés rue Réaumur en octobre 62.

Il y a là le nec plus ultra : un 7070 entouré de quatre ordinateurs secondaires, des 1401, qui avaient pour tâche de faire les entrées/sorties, de rentrer les changements de service sur cartes perforées, de faire les listes des documents de distribution…

Les NMPP qui sont plutôt d'un naturel discret et n'aiment guère faire parler d'elles ne peuvent résister au plaisir de montrer ces machines. Des visites sont organisées, un communiqué de presse est publié… dont on retrouve trace dans à peu près tous les textes qui parlent des NMPP. Le marché des ordinateurs est, alors, très étroit. Ceux qui ont le plus de succès se vendent à quelques dizaines d'exemplaires. L'IBM 7080, la grande réussite des années 60, s'est vendu à 80 exemplaires, pas un de plus. Avec leurs cinq ordinateurs, les messageries devenaient l'un des premiers et des plus importants utilisateurs de l'informatique en France.

Comme tous les pionniers de cette époque, l'équipe réunie autour de Maurice Audouin et Paul Musset dut écrire tous ses programmes :
Pas question de faire des petites annonces pour trouver des informaticiens. Ca n'existait pas. On a travaillé avec les moyens du bord. On a donc fait passer des tests à toute l'entreprise pour trouver des programmeurs. Celui qui a eu la meilleure note est un ouvrier des départs, Legrand.

Nous avons donc ainsi formé une équipe d'une vingtaine de programmeurs sous la direction de Musset avec le concours permanent de Rossner. Il y avait d'ailleurs des bagarres entre les deux garçons. C'était assez amusant. Ils se battaient sur les organigrammes, sur la manière dont l'information devait circuler. Il n'y avait pas de méthodologie, il fallait tout inventer. (témoignage Maurice Audouin)

Les moyens disponibles ne ressemblaient bien évidemment que de très loin à ceux d'aujourd'hui :
On nous a donné une formation à l'utilisation de la machine, au déroulement d'une instruction. Mais comment faire réaliser à la machine le travail fait manuellement par d'autres dans l'entreprise? On développait en assembleur, mais au début nous n'avions pas de machine. Nous les avions commandés pratiquement deux ans avant qu'elles nous soient livrées. Nous avons mis à profit ces deux années pour écrire les programmes. On se retrouvait donc dans une situation où nous développions des programmes sans avoir les moyens de vérifier qu'ils se déroulaient dans la machine. Nous les écrivions sur papier, nous les enregistrions sur bandes, puis nous allions les tester. Nos premiers tests ont eu lieu en Allemagne.

Nous sommes allés, avec toute l'équipe, dans un service informatique qui disposait du même matériel. Pendant 15 jours nous avons pu effectuer des essais de fonctionnement. C'est là que nous nous sommes aperçus que nos programmes fonctionnaient mais avec des erreurs. Il a fallu rectifier les instructions mal écrites. On a passé des nuits entières à faire ces opérations. (témoignage Paul Musset)

C'est un véritable travail de titan qui fut réalisé les premières années : la préparation des expéditions, la facturation, puis très vite la comptabilité et les invendus furent informatisés.

La première application : les kiosquiers de Paris

Avec des résultats immédiatement visibles. Cette informatique s'est très vite révélée rentable :

On a du gagner à l'époque une centaine de personnes. Il faut dire que la mécanographie demandait beaucoup de main d'œuvre. Il y avait une salle de 120 personnes, nuit et jour. (témoignage Christian Rossner, alors ingénieur commercial chez IBM)

Elle permit immédiatement de simplifier les tâches administratives :
Les employés qui traitaient les invendus recevaient des documents très imposants, 12 à 15 pages pleines de chiffres. Ils refaisaient les calculs des dépositaires. Quand il y avait des erreurs, ils faisaient les différences à la main et les envoyaient aux dépositaires. Puis ils enregistraient les montants globaux. C'était un travail très, très lourd. L'informatique a permis de remplacer tout cela par un simple enregistrement. (témoignage Paul Musset)

Les premiers à bénéficier de l'informatique furent les kiosquiers de Paris. Le climat était depuis plusieurs années empoisonné par les décrets Pinay sur les remises. L'organisation administrative des ventes avait vieilli : sur le bon de livraison qu'ils recevaient, chaque matin, on trouvait des quantités à un prix donné, mais sans indication de titres. Impossible de vérifier les livraisons, surtout depuis que s'étaient multipliées les publications.

Leur syndicat proteste vigoureusement et menace Raoul Bouchetal d'un mouvement de grève si les bordereaux ne sont pas modifiés. Robert Brichet, le responsable de la mécanographie, auquel il s'adresse lui répond : "Nous ne pouvons rien faire." Raoul Bouchetal se tourne alors vers Maurice Audouin. Celui-ci a besoin de prouver les vertus du nouvel outil. Il sait qu'il peut résoudre facilement ce type de difficultés. Il fait avancer la livraison d'une des machines. En deux mois, la première application informatique des NMPP, la facturation des publications sur la vente à Paris, est réalisée et mise en œuvre.

Elle produit des documents que souhaitent les kiosquiers, mais on est au tout début de l'informatique. Ces ordinateurs sont fragiles. On a prévu qu'en cas d'incident IBM prendrait aussitôt le relais avec ses propres matériels. Huit jours après le démarrage, une de ces pannes survient. On envoie immédiatement les fichiers chez le constructeur qui a installé son centre de calcul place Vendôme. Tout se passe bien. Enfin, presque tout : sur les machines qu'exploite IBM, le symbole monétaire est le $. Les premiers marchands qui découvrent le bordereau s'affolent, s'indignent, se prennent déjà à regretter le temps d'avant… Il faut immédiatement publier une circulaire et leur expliquer que les NMPP n'ont pas été subrepticement rachetées par une société américaine.
Les qualités d'un pionnier

Les NMPP ont su, en quelques mois, transformer leur outil de production, changer de technologie sans drame ni catastrophe. Elles l'ont fait alors que l'informatique était une technique très jeune. Impossible de se reposer sur des experts, des consultants, des professionnels expérimentés. Il n'y en avait pas. La réussite est remarquable.

La qualité des hommes a certainement joué un rôle décisif. Le souci de Guy Lapeyre de comprendre le fonctionnement intime de la machine, sa capacité à prendre des décisions audacieuses, son autorité face à IBM sont à souligner. Il aurait pu sous-traiter, laisser à d'autres le soin de prendre les décisions, se contentant de les entériner. Il s'est impliqué directement. Il a su aller à l'essentiel, c'est-à-dire au tri des fichiers.

Cette qualité n'explique pas que les NMPP soient devenues un pionnier de l'informatique après avoir été, en 1925, un des pionniers de la mécanographie. Pour cela, il fallait autre chose. Il fallait :
- un besoin : le changement de souchage était devenu une opération trop risquée pour ne pas être modernisée. A travailler sans filet, on risquait l'accident aux conséquences imprévisibles,
- la maîtrise du management des projets : elle avait été acquise au contact de la SNCF, elle était aussi la traduction, dans l'univers du management, de l'esprit papier ;
- la curiosité technique : il fallait s'intéresser à ce qui se faisait de nouveau, être informé des innovations techniques,
- une organisation du travail administratif parfaitement rationnelle. Tous les circuits d'information, tout ce que les informaticiens appellent le système d'information, avaient été analysés, codifiés. Il a suffi de les automatiser,
- et enfin, mais c'est plus banal, des moyens financiers importants,

On retrouvera les mêmes traits 10 ans plus tard lors de l'introduction de l'informatique en temps réel…

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